Emilie qui vit au Japon depuis 2011, est la créatrice de la marque Méli et Malice. Dans cet entretien, elle nous raconte l’histoire de ses illustrations inspirées de son aventure nipponne, et se confie sur son coup de coeur pour la préfecture de Fukushima et sur ses différents projets dans cette région.
Emilie, peux-tu te présenter et nous raconter ton premier contact avec le Japon ?
Je m’appelle Émilie BN, j’ai 32 ans et je viens de Vannes en Bretagne.
Après mon bac, j’ai fait une prépa d’art près de Paris pendant un an.
Ensuite je me suis lancée dans la création de bijoux fantaisie en auto-entrepreneur. Cette activité a bien marché et j’ai pu rapidement la développer.
J’avais fait la connaissance d’un Japonais sur les réseaux sociaux et je suis partie le rencontrer en 2008 lors de mon premier séjour au Japon.
Je connaissais déjà un peu la culture japonaise, j’étais fan de manga et d’animés, mais à ce moment-là je ne me voyais pas forcément vivre au Japon.
A mon arrivée à Tokyo, j’en ai pris plein les yeux !
Avec mon compagnon, on s’était aussi rendu à Kyoto et Hokkaido d’où il est originaire. L’année suivante, c’est lui qui est venu en France puis je suis allée à Osaka… Et on a fait des allers-retours jusqu’à mon déménagement en 2011, un mois après le grand tremblement de terre !
Comment s’est passée ton installation au Japon ?
Les premières années ont été un peu difficiles.
J’ai continué mon activité de création de bijoux fantaisie mais je passais tout mon temps enfermée chez moi sans voir personne. Du coup, j’ai commencé à donner des cours de français à des enfants et des étudiants, ce qui m’a permis de sortir un peu…
J’avais besoin de contact !
Et avais-tu appris un peu le japonais avant de venir au Japon ?
Non et c’était aussi cela le problème ! Au début et parce que je ne connaissais pas bien la langue, je rencontrais surtout des francophones, des anglophones, ou des Japonais qui parlaient français ou anglais.
J’avais appris les bases, et j’allais tous les mercredis soirs dans une classe de bénévoles qui nous enseignaient le japonais. On ne payait que 200 yen pour deux heures (qui servaient à payer la location de la salle et à acheter de quoi grignoter)…
Les bénévoles étaient généralement des personnes âgées.
Ils n’étaient pas des professeurs certifiés mais ils avaient une certaine habitude, et au-delà de la classe, c’était un bon moyen de communiquer avec des Japonais, rencontrer de nouvelles personnes et se faire des amis.
On avait par exemple fêté « Hina Matsuri » (fête traditionnelle qui célèbre les petites filles et qui a lieu chaque année le 3 mars) chez la responsable de la classe, fêté le Nouvel An chinois avec une connaissance de la classe et sympathisé avec une professeure qui m’a aidée quand j’en avais besoin.
Je recommande à tous les nouveaux arrivants qui s’installent au Japon de s’inscrire à ces cours !
Malgré tout, ils n’étaient pas suffisants pour avoir un bon niveau.
J’ai véritablement commencé à apprendre le japonais en 2014 quand je me suis séparée de mon compagnon avec qui je parlais uniquement en anglais.
A ce moment-là, je suis entrée dans une école de langues pour prendre des cours intensifs !
Comment a évolué ton activité professionnelle ?
J’ai arrêté mon activité de création de bijoux quand j’ai commencé les cours à l’école de japonais. Cela devenait difficile notamment avec les envois à l’étranger.
Et je me suis consacrée à l’enseignement du français. Grâce au bouche-à-oreille, j’ai eu de plus en plus d’étudiants qui souhaitaient prendre des cours de français. C’est devenu mon travail à plein temps.
Je donnais ces cours, soit dans des cafés ou quand il s’agissait d’enfants, au domicile des parents. J’ai aussi enseigné dans une école internationale.
En enseignant le français, j’avais pris l’habitude de créer mes propres supports et manuels. Mes étudiants étaient assez réceptifs, du coup j’ai commencé à les proposer à plus de personnes.
J’ai finalement mis ces manuels en vente sur mon site internet. Puis, je me suis mise à les illustrer avec des petits personnages.
Et aujourd’hui mon activité principale est l’illustration et la vente de produits dérivés sur ma boutique en ligne : https://www.melietmalice.com/?lang=fr
Où habites-tu ?
Après avoir vécu deux ans à Tokyo et huit ans à Yokohama, je me suis finalement mariée avec un autre Japonais… et depuis le début de l’année 2021, je vis dans la préfecture de Fukushima !
J’habite à Aizu dans la partie ouest qui est montagneuse.
Pourquoi avoir eu envie de venir à Fukushima ?
C’est arrivé par hasard… Quand j’ai commencé à vendre mes manuels de français, ma première cliente était originaire de Fukushima. Je n’avais pas une très bonne image de cette préfecture au départ.
En discutant avec elle, j’ai eu envie d’aller voir de mes propres yeux.
Et il y a trois ans, je suis finalement partie visiter Fukushima avec mon mari et j’ai eu un énorme coup de coeur !
La nature, l’atmosphère… Je n’arrive pas à expliquer cette sensation que j’ai eu. Je me sentais vraiment bien.


Y-a-t-il encore des traces de la catastrophe de 2011 ?
La préfecture est grande. Et je vis à l’ouest, un secteur qui n’a pas été touché par la catastrophe.
Cette année, j’ai traversé la « zone interdite ». C’est en cours de revitalisation. Il y a beaucoup d’initiatives notamment tournées vers les énergies « propres ».
Qu’en pense ton mari ?
Mon mari est toujours à Yokohama ! Il doit venir me rejoindre l’année prochaine à la fin de son activité en télétravail. Par contre, il adore Yokohama et n’est pas très attiré par Fukushima… Mais il a fait l’effort car pendant trois ans il a vu que je ne pensais qu’à cette région !
Peux-tu nous en dire plus sur ton activité d’illustratrice ?
Ce qui m’a poussé à me lancer dans l’illustration, c’est une page que j’ai écrite il y a trois ans sur mon site internet pour mieux faire connaître Fukushima.
Et pour illustrer cette page, j’avais dessiné Akabeko, la vache de Fukushima, personnage légendaire d’Aizu. On raconte qu’une vache rouge est apparue il y a fort longtemps, pour aider les villageois lors de moments difficiles… Ce dessin avait beaucoup plu !

L’année derniere, j’ai proposé une carte postale illustrée de Fukushima. Un journal a vu mes produits et a publié un article sur moi en juin 2020.

Du coup, j’ai des clients de plus en plus nombreux qui sont principalement Japonais, de Fukushima ou qui aiment et découvrent la région. J’ai aussi quelques clients Français.
J’ai fait des collaborations notamment avec un hôtel. Je démarche aussi des magasins et certains sont intéressés par mes illustrations.
Et être ici à Fukushima me donne beaucoup d’inspiration !

Qui sont les personnages que tu dessines ?
Les premiers personnages que j’ai créé sont Méli et Malice, deux petits nuages.

Et aujourd’hui j’ai aussi Akabeko, la vache de Fukushima…

…et Okiagari-koboshi, une poupée traditionnelle japonaise aussi emblématique de la préfecture de Fukushima.

Est-ce que tes études t’ont aidé dans ton métier d’illustratrice ?
Pendant mes études de prépa d’art, j’ai fais un peu de graphisme et de design d’art mais le dessin n’était pas ce que je préférais !
Je ne pensais pas un jour en faire mon métier… Aujourd’hui j’apprends en dessinant, et cela me prend énormément de temps.
Depuis que tu vis à Fukushima, as-tu réussi à t’intégrer et à te faire des amis ?
Je m’étais fait quelque contacts avant mon arrivée. Au départ, je ne devais rester que trois mois pour tester ma vie à Fukushima.
Et finalement, en parallèle de mon activité d’illustratrice, j’ai trouvé un emploi à mi-temps dans une association pour promouvoir la région d’Aizu et pour faire le pont entre les étrangers qui habitent Aizu et la population locale.
Mais avec la pandémie, l’activité est au ralenti…
Malgré tout, je n’ai pas eu de difficulté à m’intégrer. Grâce notamment à mes apparitions dans les journaux locaux, les gens me reconnaissent ! En plus on n’est que quelques Français dans la région donc on ne passe pas inaperçu.
Quels sont tes projets en cours ?
Actuellement, je collabore avec l’hôtel Ookawaso situé à Aizu, qui souhaite que je dessine Akabeko pour décorer ses chambres. J’espère avoir d’autres projets de ce type avec des hôtels.

Et en dehors de l’illustration et des projets de collaboration pour faire connaître cette région et d’autres régions, je travaille sur un projet lié à l’agriculture durable, mais je ne peux pas trop en dire pour le moment… Je voudrais le démarrer à la fin de mon travail avec l’association en février 2022.
Peux-tu juste nous dire ce qui t’intéresse dans l’agriculture ?
Je suis très intéressée par la permaculture et ce projet je voudrais le faire dans l’une des villes touchées dans la « zone interdite ».
C’est une évidence pour moi de faire quelque chose d’écologique sans utiliser de pesticides ou d’insecticides.
Cela prend du temps mais au Japon je sens que les mentalités peuvent changer ; à Aizu, il y a plusieurs agriculteurs bio et des marchés bio donc c’est aussi pour apporter ma pierre à l’édifice que je souhaite m’engager dans ce projet.
As-tu le souhait de revenir vivre en France un jour ?
Ce qui me manque le plus c’est la famille et… le fromage !
Et les premières années n’ont pas été faciles mais j’ai tellement l’habitude de vivre au Japon, de parler japonais au quotidien… je pense que ma vie est ici et je ne me vois pas revenir en France.
Pour terminer, quels sont les lieux que tu aimes et que tu conseillerais aux futurs voyageurs ?
Je conseille bien sûr de découvrir la préfecture de Fukushima avec le château Tsuruga d’Aizu et Goshiki-numa composé d’étangs volcaniques de différentes couleurs derrière le Mont Bandai, c’est magnifique !



Dans le reste du Japon, j’ai beaucoup aimé Hiroshima et l’ile de Miyajima.
Un autre endroit très sympa d’où est originaire mon mari, est la préfecture de Wakayama en dessous d’Osaka.
Merci Émilie pour cet échange. A bientôt à Fukushima !

Vous pouvez suivre Emilie sur internet et les réseaux sociaux :
Site internet de Méli et Malice : https://www.melietmalice.com/?lang=fr
Instagram : https://www.instagram.com/melietmalice/
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