Les aspirations de Daniel, physiothérapeute à Okinawa : « faire du Japon une destination médicale par excellence »

Daniel, installé au Japon depuis 2004, a un parcours atypique et riche d’enseignements. Ce physiothérapeute accompagné de son épouse Japonaise, forme aujourd’hui des professionnels de santé dans sa propre école à Okinawa. Dans cet entretien, il se livre sur ses expériences et ses aspirations pour faire du Japon une destination médicale et thermale de qualité grâce aux nombreuses sources d’eau chaude qui composent tout l’archipel.

Daniel, peux tu te présenter et nous parler de ton parcours ?

Je m’appelle Daniel Mardon, j’ai grandi en région parisienne et je me suis intéressé très jeune au karaté.

J’ai été naturellement inspiré à faire un B.E.E.S. (Brevet d’Etat d’Educateur Sportif) 1er degré option Karaté avec le CNED de Grenoble.

L’obtention de ce diplôme d’Etat en France, nécessite des études presque similaires à celles du début du cursus de kinésithérapeute. J’ai finalement eu envie de poursuivre avec des études de physiothérapie (nom de la discipline dans la majorité des pays).

Je suis ensuite parti étudier pendant quatre ans à l’École d’Orthopédie de Santa-Monica, en Californie. Au cours de ces quatre années, j’ai aussi travaillé pour le cinéma, une de mes passions, en faisant des cascades et des petits rôles à Hollywood.

De retour en France et pendant dix ans, j’ai mené deux carrières en parallèle : celle de comédien professionnel ainsi que celle de physiothérapeute. Mon diplôme de l’époque étant américain, je n’ai pu que travailler dans le privé et j’ai eu la chance d’être embauché dans un centre très luxueux de Saint-Germain en Laye où je travaillais sur les Footballeurs du PSG ainsi que du Racing-Club de l’époque, tout en m’occupant aussi de mannequins travaillant en agence sur Paris.

Étant également dans le milieu du cinéma, j’ai eu l’occasion de masser des acteurs et actrices. En fait, j’ai même obtenu des rôles grâce à cette double qualification, car les réalisateurs aiment bien avoir un professionnel sur place au cas où (surtout lorsque l’on part tourner dans des régions reculées ou inhospitalières)…

En 1995, je suis parti pour Hawaii aux États-Unis, ou j’ai repris des études supérieures de physiothérapie afin d’obtenir ma licence pour le « State of Hawaii » qui est très réputée. J’ai fait de nombreuses formations en parallèle aux États-Unis mais aussi chaque année, en France, ainsi qu’à Vancouver au Canada. 

Je suis finalement venu au Japon enseigner la kinésithérapie en 2004 et j’ai ma propre école depuis que j’ai déménagé à Okinawa en 2012. 

Comment était ta vie à Hawaï ?

J’ai l’impression d’avoir passé onze ans au « Paradis » !
Je retiens une expérience bénéfique dans un pays marqué par la beauté des paysages, la propreté, l’ambiance maintenue grâce à la philosophie de vie hawaïenne du « Aloha » qui parle d’harmonie, de respect et d’amour…

Toutefois, même dans ce cadre idyllique, les réalités de la vie « terrestre » sont toujours présentes… mais vivre dans un tel endroit aide à mieux les supporter !

Pourquoi avoir quitté Hawaï pour le Japon ?

Je vivais à Honolulu, capitale d’Hawaï parfois nommée Tokyo-Plage, car il y avait à une époque une majorité de touristes Japonais et même de résidents du Japon. Mais ce n’est plus le cas depuis une quinzaine d’années, car les Japonais n’ont plus autant de pouvoir d’achat. 

J’avais également mon propre cabinet sur Waikiki Beach où 80% de mes clients étaient Japonais. J’ai rapidement réussi à me faire connaître au Japon et des journalistes Japonais venaient régulièrement me filmer et m’interviewer, j’apparaissais souvent dans des magazines du type « Tokyo-Walker ». En parallèle, j’ai aussi continué ma carrière d’acteur en tournant dans quelques publicités et films Japonais… 

J’étais demandé pour mes soins thérapeutiques et on me contactait aussi pour donner des cours. Je faisais partie d’une fondation en lymphologie et ma licence me permettait de faire des soins et d’enseigner dans les hôpitaux d’Hawaii. Les Japonais, ont commencé à me solliciter pour que je leur donne des cours, que j’ai réalisé à temps partiel à mon cabinet de Waikiki.

Je travaillais beaucoup avec l’aristocratie hawaiienne, y compris les descendants directs de la famille royale avec qui j’avais un lien très fort. Ils possédaient entre autres, une clinique, dans laquelle je prodiguais mes soins.

Je donnais aussi deux cours par semaine de théâtre à U.H. (Université d’Hawaii) et j’avais obtenu une licence de producteur pour la télévision … Je jouais parfois la comédie dans les quelques films Hollywoodiens tournés sur place, en plus de réaliser pour des TV locales.

Je n’avais jamais autant travaillé de ma vie, alors que je vivais dans un paradis terrestre ! Mais j’étais heureux de ce succès. 

Un soir, je fus contacté par une chargée de recrutement d’une grande entreprise japonaise, qui me proposait de venir au Japon en tant que consultant pour les spas de ses hôtels.

Bien qu’étant un karatéka très assidu depuis mon enfance, je n’avais jamais voyagé au Japon, pays du karaté et je n’en éprouvais pas forcément l’envie ; je n’avais pas non plus pris cet appel très au sérieux.. Un autre appel me confirma cette proposition difficile à refuser mais je ne me sentais pas prêt à quitter mes activités et mon « paradis ». 

Quelques jours plus tard, je rencontrai par un hasard incroyable, Yuko O’hia Takahashi, une étudiante thérapeute Japonaise, qui vivait à Maui (une île voisine) et qui projetait de retourner à Tokyo. Elle me confirma que cette société japonaise était très connue et sérieuse, et que cette proposition était une réelle opportunité… J’ai été immédiatement envoûté par cette femme incroyable qui est aujourd’hui mon épouse. Yuko doit son nom « O’hia« , à une fleur qui appartient à une légende Hawaïenne et qui lui a été attribuée par son Maître Hawaiien de Lomilomi en récompense de son niveau de connaissances ! 

Comme tous les choix que j’ai pu faire dans ma vie, je décidai d’écouter mon instinct et de quitter ma vie « parfaite » ! Pendant près de deux ans j’ai fait la navette (parfois avec mon épouse Yuko) entre Hawaii et le Japon  jusqu’au jour où j’ai su qu’il était temps de quitter Hawaii…

Dans quelle ville au Japon as-tu vécu à ton arrivée ?

Nous avions pris immédiatement un appartement à Tokyo, non loin de l’ambassade de France, mais que je n’ai découvert qu’au bout de six mois car nous vivions et travaillions dans un hôtel à Beppu sur l’île de Kyushu.  J’ai vécu techniquement plus de sept années à Tokyo, mais en voyageant énormément.

On a ensuite déménagé pour ouvrir notre école à Okinawa en 2012.

Peux-tu m’en dire plus sur ton école et ton enseignement à Okinawa ?

J’enseigne depuis plus de neuf ans dans ma propre école, dans laquelle je ne forme que des petits groupes de professionnels de la santé : infirmières, sages-femmes, kinésithérapeutes, ergothérapeutes, et même des médecins, Ainsi nos élèves sont rarement des débutants… Avec mon épouse, nous donnons des séminaires parfois dans des Universités comme à Naha ou dans des hôpitaux ou cliniques.

Nous enseignons parallèlement à temps partiel et depuis neuf ans, dans une des plus grandes écoles de kinésithérapie du Japon qui se situe à Okinawa et où le campus comprend plus de 700 élèves.

Cours de physiothérapie à Okinawa

En quoi consiste ton activité de physiothérapeute ?

Notre métier est la physiothérapie ou kinésithérapie (mot utilisé essentiellement en France), mais nous avons une spécialité en lymphologie, qui veut dire que nous traitons surtout la circulation lymphatique.  Nous travaillons sur les oedèmes et lymphoedèmes consécutifs à des traumatismes circulatoires après accidents, paralysies ou certaines opérations. Les plus connus sont les lymphoedèmes post mastectomie, qui sont très douloureux et occasionnent d’autres problèmes de type physiques et psychologiques…

As-tu d’autres projets au Japon ?

Avec mon épouse, nous regrettons que le Japon soit très peu adapté aux services de soins thérapeutiques du corps. Il faudrait faciliter l’accueil des professionnels en ce domaine, ce qui pourrait attirer plus de touristes étrangers mais aussi Japonais.

Nous ambitionnons une prise de conscience des Japonais, car ce pays a grandement besoin de s’ouvrir plus au monde.

En ce qui concerne ma spécialité, la kinésithérapie, mais aussi toute la panoplie de l’hydrothérapie (méthode thérapeutique ancienne pour traiter et soigner par l’usage de l’eau), elle serait un plus énorme pour le Japon qui possède 27 000 onsen -ces bains chauds dont l’eau est issue de sources volcaniques-, mais dont aucun ne propose de véritables soins thérapeutiques sur le modèle de ce que nous avons en France ou en Europe…

Pareil pour la thalassothérapie… alors que le Japon est un archipel ! Vu l’abondance d’algues, de boues minérales, de sources, de mers et d’océans, je souhaiterais oeuvrer pour que le Japon devienne une vraie « destination médicale » avec des stations thermales adaptées aux touristes du Japon et du monde entier qui veulent des vacances mais aussi bénéficier de soins de grandes qualité dans des lieux mythiques où l’âme des samouraïs plane encore !

Il faut dire qu’à l’origine, les onsen appartenaient au mythe de la culture japonaise ainsi qu’aux rites religieux. Plus tard, ils ont servi à offrir des cures pour les corps meurtris des guerriers.

Avec l’arrivée du grand tourisme pour tous, une profession hôtelière s’est développée autour de cette culture du bain, pratiquée généralement en famille ou entre groupes d’amis.

Je souhaiterais donc un retour vers le soin en sus de sa simple forme sociale. S’il n’y a plus de samouraï, nous avons des athlètes en quantité ainsi que des légions de malades et d’handicapés qui auraient grand besoin de cures thermales…!

Dans quel sens souhaiterais-tu faire évoluer les soins liés aux sources d’eau chaude ?

Mon métier est avant tout consultant dans ce domaine et j’espère que des chaînes thermales (ou hôtelières) notamment françaises seront intéressées par le potentiel qu’offre le Japon.

Je suis probablement un des rares spécialistes à avoir fait la tournée des principaux ryokan et onsen du Japon sur quasiment 3000 kilomètres, d’Okinawa à la frontière Russe d’Hokkaido. Malheureusement, la plupart sont vétustes et offrent un confort tout juste acceptable. Les touristes étrangers peuvent être étonnés par le prix disproportionné aux services proposés, ainsi que l’accueil souvent assez froid.

Les sources d’eau chaude du Japon ont un réel intérêt pour moi en tant que professionnel du soin. Il serait possible par exemple, de recréer avec des matériaux modernes, de charmants « rotenburo » (bains en extérieur) en gardant le charme d’antan, et de proposer un bain de rééducation ainsi que des soins du corps en parallèle. Ceci peut être opéré séparément sans qu’il y ait pour autant une obligation de cure pour tous les usagers, comme en France…

Il faut pour cela créer des exemples et travailler au quotidien avec les Japonais pour faire évoluer les mentalités.

La pandémie du Covid-19 a-t-elle eu un impact sur ton activité ?

Oui bien sûr !  Nous travaillons sur le corps et il est difficile d’enseigner les thérapies sur « Zoom » bien que nous ayons essayé…

Quel est ce show régulier dans lequel vous êtes invités à la radio ?

Yuko et moi avons écrit sept livres ensemble, publiés par des éditeurs japonais et nous sommes régulièrement invités pour des émissions de TV, radio partout au Japon et avons en fait un show régulier mensuel dans une émission de radio.

Livres de Yuko et Daniel en vente au Mirai Book Store
La télévision américaine vient aussi faire des reportages

Nous parlons de soins, de philosophie, de karaté mais aussi de la façon dont on pourrait mieux gérer les nombreuses personnes âgées. Nous souhaitons créer des parcours santé dans les parcs avec des thérapeutes pour assister ces personnes qui déambulent sans aucun conseil ni surveillance et malgré de multiples pathologies… C’est très important pour nous.

As tu des regrets ?

Non, car je suis responsable à 100% de mes choix. Et en ce qui concerne ma vie pré-adulte, je remercie les membres de ma famille pour m’avoir éduqué au mieux de leurs possibilités…
Toutefois, j’ai des remords de ne pas avoir passé plus de temps auprès de mes parents et surtout au moment de leur fin de vie où ils auraient eu besoin de moi. Je me suis caché derrière la plus grande proximité de mes frères et ceci me chagrine beaucoup.  

Mais eux-mêmes, qui avaient connu des déracinements et les blessures de la vie, comprenaient ma liberté de choix.

Quels sont tes endroits préférés au Japon et plus particulièrement a Okinawa ?


J’adore Hokkaido et Okinawa qui sont les extrêmes géographiques et culturels du Japon.
Hokkaido reflète la culture Ainou, peuple autochtone qui me fait penser aux Amérindiens.
Okinawa est simple et facile à vivre. Surtout Okinawa City où une grosse communauté américaine y vit depuis soixante quinze ans.
On dit beaucoup de choses sur cette communauté, mais ils ont à présent leur place ayant beaucoup fait sur la culture et les infrastructures, l’urbanisme, etc…
On se croirait vraiment à Hawaii parfois et je me sens comme chez moi.

Passionné d’arts martiaux, il y a un lieu qui m’a particulièrement marqué lors d’une étonnante randonnée très secrète qui conduit à une tombe deux places de deux marins Français datant de 1846 située en pleine jungle, et surplombant une magnifique baie à Unten-baru, petit village dans le Nord d’Okinawa

Le plus étonnant c’est que cette tombe est parfaitement entretenue depuis deux siècles par des villageois et qu’une cérémonie annuelle officielle est célébrée dans la discrétion ! En parlant avec des pêcheurs mais aussi guidé par un historien Hitosa Kakazu à travers cette jungle, j’ai eu la confirmation que des marins Français avaient séjourné dans plusieurs ports d’Okinawa vers 1840 et auraient marqué leur passage en échangeant avec la population locale des conseils pour la pêche au filet mais aussi et surtout… sur leurs disciplines respectives avec des démonstrations de boxe française contre karaté ! Est-ce que la boxe française/savate aurait influencée le karaté d’Okinawa… ? Cette possible découverte est passionnante et j’espère pouvoir parler de mon intérêt pour les arts martiaux et particulièrement pour le karaté lors d’un prochain article !

Merci Daniel pour ton témoignage captivant ! A bientôt à Okinawa !

Vous pouvez suivre Daniel sur internet et les réseaux sociaux :

Site internet : http://www.aromapressure.jp/

Instagram : https://www.instagram.com/daniel_mardon/

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