De l’Indonésie au Japon : la nouvelle vie de Julien à Okinawa

C’est à l’occasion d’un déjeuner dans une petite brasserie bordelaise que j’ai pu discuter avec Julien, accompagnée de sa femme Tomomi et de leur fils Silas, alors qu’ils étaient de passage dans le sud-ouest. Dans cet échange, Julien se livre sur son parcours et sur sa passion pour la plongée qui l’a mené en Indonésie où il a fondé avec sa femme un centre de plongée et un studio de yoga, mais aussi sur leur décision de vivre une nouvelle vie en harmonie avec la nature dans un petit village japonais au nord d’Okinawa.

Julien, peux-tu te présenter et nous raconter ton parcours ?

Je m’appelle Julien, j’ai 40 ans et je suis né à Marmande, dans le sud-ouest de la France.

Ayant quitté l’école très tôt et après avoir essayé plusieurs cursus en BEP, j’ai décidé de rentrer dans la vie active dès l’âge de 18 ans, avec un premier emploi comme vendeur dans un rayon dédié aux poissons d’une animalerie. Sensible au monde aquatique dès mon plus jeune âge, je ne suis pas resté longtemps à ce poste car je me suis vite rendu compte que dans ce type de magasins, les poissons étaient traités comme de vulgaires marchandises !

J’ai ensuite travaillé près de deux années comme chef de rayon dans un magasin de bricolage, jusqu’à un accident de travail me causant une hernie discale. Reconnu comme « travailleur handicapé », la COTOREP -qui se chargeait à l’époque de l’attribution des allocations des travailleurs handicapés-, m’avait alors proposé de me verser une rente à vie ou la somme de 10 000 euros pour créer mon entreprise…

C’est de cette manière que j’ai pu ouvrir ma première affaire à l’âge de 22 ans : un skate shop… que j’ai dû fermer suite à une liquidation judiciaire survenue deux ans plus tard ! J’ai ensuite travaillé dans le milieu de la téléphonie jusqu’à être débauché par un patron de magasins de téléphonie qui cherchait un manager pour gérer plusieurs de ses boutiques.

Mais en 2012, je me suis retrouvé sans emploi. A cette période, j’étais aussi en pleine séparation avec ma concubine…

Qu’as-tu décidé à ce moment-là ?

Sans travail et sans copine, je m’étais dit que c’était le moment de changer de vie et de me lancer dans une carrière de plongeur ! J’avais découvert la plongée quelques temps auparavant ; j’avais passé l’open water PADI (niveau 1) en France, j’étais parti plonger en Malaisie et c’était devenu une véritable passion.

Grâce à l’aide financière de ma tante maternelle avec qui j’ai toujours été très proche, j’ai ainsi pu débuter une formation auprès d’un instructeur, devenir professeur de plongée, et partir plusieurs mois en Asie du sud-est… accompagné de mon meilleur ami qui avait lui aussi envie de changer de vie !

Nous sommes donc partis afin de découvrir le métier d’instructeur de plongée, mais nous avons finalement passé beaucoup de temps à faire la fête… en Malaisie, en Thaïlande, puis en Indonésie ! C’est là que j’ai rencontré le manager d’un centre de plongée français avec qui j’avais eu un bon contact. Le temps de revenir en France, vendre toutes mes affaires, et j’étais de retour à Bali pour y travailler !

Je suis conscient d’avoir eu beaucoup de chance mais j’ai aussi le sentiment qu’au moment où j’ai pris la décision de changer de voie, tout s’est mis en place naturellement.

Peux-tu nous parler de ta vie en Indonésie ?

J’ai travaillé pour ce centre de plongée pendant près de trois ans. J’ai expérimenté la vie seul car mon ami n’était pas revenu en même temps que moi. J’ai beaucoup travaillé, rencontré du monde, puis quelques mois plus tard, j’ai été muté dans un autre centre de plongée sur l’île principale de Bali pour devenir manager où je suis resté quelques années.

C’est sur cette île que j’ai rencontré ma femme Tomomi, une « globe trotteuse » Japonaise. Elle habitait au Canada depuis un peu plus de dix ans mais était passée par l’Australie pour voir sa soeur et venait en Indonésie pour travailler comme professeure de yoga

Quelques temps plus tard, notre fils Silas naissait et en 2016 alors qu’il n’avait que huit mois, nous avons décidé de nous installer sur une petite île magnifique tout au nord de l’Indonésie : Pulau Weh, afin de créer ensemble notre entreprise.

Ile de Pulau Weh en Indonésie

Nous étions partis au Japon pour trouver des investisseurs qui croyaient en notre projet. Et c’est ainsi qu’en 2017, nous avons pu ouvrir un centre de plongée Bubble Addict, un studio de yoga Flying Elephant Yoga et un café, le Tipsy Toby café.

Notre entreprise a eu du succès notamment auprès des touristes Français, avec une croissance de 20% par an…

Pour quelles raisons avez-vous décidé de déménager à Okinawa ?

On cherchait un endroit pour pouvoir éduquer correctement notre fils. L’enseignement en Indonésie est très axé sur la religion dès la maternelle, et ce n’est pas ce que nous souhaitions inculquer à notre fils.

Nous avions l’idée de faire des allers-retours sans pour autant devoir arrêter notre entreprise.

Notre choix s’est porté sur Okinawa, un endroit qui nous attirait sans même y avoir mis les pieds. On savait que le climat était parfait pour nous et qu’il y avait de fabuleux spots de plongée !

En 2019, j’ai donc commencé à chercher un manager pour gérer le centre de plongée en Indonésie… que j’ai trouvé un mois avant le début de la pandémie du Covid-19 ! A partir de mars 2020, tout est devenu compliqué : plus d’arrivée de touristes à cause des frontière fermées et nous n’avions aucune aide de la part du gouvernement indonésien. Heureusement que nous avions mis un peu d’argent de côté pour nous maintenir…

Cette crise sanitaire n’a fait que précipiter les choses, car quelques mois plus tard, nous nous installions dans le petit village de Nakijin au nord d’Okinawa !

Comment décrirais-tu votre nouvelle vie à Okinawa ? Et avez-vous des regrets ?

Nous n’avons aucun regret d’avoir quitté l’Indonésie car c’était notre plan de départ et Okinawa nous correspond bien. On a ici une vie simple et détendue. Nous sommes toujours en bord de plage, notre fils va a l’école et au karaté, la nature est luxuriante, nous avons déjà un petit groupe d’amis… et les habitants du village de Nakijin que nous côtoyons sont adorables !

Vue depuis la maison de Julien et Tomomi

La beauté de cet endroit nous a vraiment subjugué, le nord d’Okinawa est très sauvage avec une nature préservée, riche et variée, et des plages paradisiaques ; c’était vraiment ce que nous recherchions !

Plage près du village de Najikin à Okinawa

Quelles sont vos activités aujourd’hui ?

Vivre dans cette région nous a poussé à développer nos activités en corrélation avec ce climat subtropical.

Ma femme Tomomi a continué de donner des cours de yoga en ligne depuis son yoga dojo ; elle a également commencé à créer de nombreux produits à base de plantes et de fleurs locales comme du thé, de l’encens, des parfums, du baume pour le corps, des bougies… que je fais pousser dans notre jardin botanique.

Tomomi au yoga dojo

C’est ainsi que nous avons fondé notre entreprise Soma Ecoliving avec une boutique en ligne (envois vers le Japon uniquement). Nous proposons aussi ces produits sur les marchés locaux.

De mon côté, j’ai mis un peu de temps à savoir ce que je voulais faire à Okinawa et je stressais beaucoup à propos de notre entreprise en Indonésie… pour finalement me lancer dans la création de ce jardin botanique où j’essaie de cultiver tout type de plantes : eucalyptus, romarin, lavande, sauge, thym, getto (plante locale)… On a des épices comme la cannelle et le cumin et aussi du café ! Tout est naturel. Je n’utilise aucun pesticide ni d’engrais, comme c’est malheureusement beaucoup le cas dans cette région.

Je me suis également mis à l’apiculture avec deux ruches qui pollinisent le jardin ; j’ai ainsi créé une branche de notre entreprise Bee Zzze Change pour démontrer qu’il est possible d’être apiculteur en respectant les abeilles

« Bee Zzze Change » Ruches dans le jardin de Julien

Peux-tu nous en dire plus sur ton activité d’apiculteur ?

J’ai eu l’idée de me lancer dans l’apiculture car nous avions un terrain fermier non constructible disponible en face de chez nous et j’ai toujours été fasciné par les abeilles !

J’ai un ami qui est apiculteur en France et qui m’a donné de nombreux conseils. J’avais commencé une formation avec un vieil apiculteur dans les montagnes d’Okinawa. Sauf que sa pratique est à l’opposé de ce que je souhaitais faire… Avec lui, je n’ai malheureusement rien appris sur les abeilles ! J’ai donc fait des recherches sur internet pour apprendre à en prendre soin.

Mon but n’est pas de faire du miel mais de polliniser mon jardin, et surtout de sauver les abeilles ! Je pense que chacun à son niveau peut faire quelque chose pour la planète. J’aide les abeilles plutôt que de les exploiter.

J’achète par exemple du sucre liquide de daïkon (radis noir local) qui est bio et de très bonne qualité pour qu’elles puissent se nourrir pendant l’hiver.

Certains apiculteurs vont acheter du sucre liquide bon marché de mauvaise qualité car leur objectif n’est pas le bien-être de leurs abeilles. Lors d’une visite de ruches chez un employé du jardin botanique d’Okinawa -que j’avais rencontré par hasard sur un marché-, je me suis rendu compte de cette pratique barbare qui consiste à couper les ailes des Reines pour éviter qu’elles partent avec toute leur colonie !

Quel rapport ont les Japonais avec la nature ?

De ce que j’ai pu voir à Okinawa, c’est très paradoxal. Je pense que la plupart des Japonais aiment la nature et les animaux, mais j’ai l’impression qu’ils sont nombreux à faire les choses par habitude, parce qu’on leur a dit de le faire, sans savoir ou sans se poser de questions… comme continuer à utiliser des pesticides alors qu’il y a des alternatives.

As-tu le projet d’ouvrir un centre de plongée à Okinawa ?

Oui tout à fait. Après avoir prospecté les différents sites de plongée autour de nous, j’ai décidé de créer Bubble Addict Okinawa, mon centre de plongée orienté vers l’écologie et qui me tient vraiment à cœur.

Les travaux sont en cours avec la construction d’une salle où je pourrai entreposer tout mon équipement, et je pense que je serai prêt à ouvrir avant juin 2022. J’ai d’ailleurs eu ma première cliente Française récemment alors que je ne suis pas complètement équipé !

J’ai vraiment envie de travailler seul avec des petits groupes de 4 personnes maximum, ce qui n’a rien à voir avec mon centre de plongée en Indonésie où j’avais des employés et parfois plus d’une vingtaine de plongeurs par jour…

J’ai mis un an à trouver mes marques mais aujourd’hui j’ai de nombreux projets entre le jardin botanique, le développement de mon activité d’apiculteur et ce centre de plongée qui va bientôt ouvrir… je suis très occupé !

Et pour finir, quels sont tes sites de plongée préférés à Okinawa ?

Pour les débutants, le site de Gorilla Chop est parfait car accessible à pied ; c’est l’endroit idéal pour commencer la plongée.

Plongée à Gorilla Chop

Ensuite, l’avantage d’habiter dans le nord d’Okinawa, c’est que les grands centres de plongée sont très éloignés et localisés plutôt dans le sud. Du coup, j’ai accès à plusieurs spots de plongée en partant de la plage à côté de chez moi qui sont magnifiques et peu connus… mais que je préfère garder secret !

Merci Julien pour cet échange inspirant ! A bientôt à Okinawa !

Vous pouvez retrouver Julien et Tomomi sur internet et les réseaux sociaux :

Soma Ecoliving : Instagram | Facebook | Site internet

Bee Zzze Change : Facebook

Bubble Addict Okinawa : Facebook | Site internet

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