Entretien avec David, journaliste reporter et personal shopper à Tokyo

Chroniqueur pendant plusieurs années dans le Magazine de la Santé sur France 5 et auteur du « Livre noir du nucléaire » publié après la catastrophe de Fukushima, c’est en 2013 que David Zavaglia, passionné de culture japonaise décide de s’installer à Tokyo pour devenir reporter. Dans cet entretien, il se livre sur son parcours atypique et nous parle de son actualité bien chargée entre son activité de personal shopper, le développement de sa chaîne Twitch, ainsi que de ses différents projets comme le Festival 3D « Pop Asia Matsuri » auquel il participe et qui aura lieu les 18 et 19 décembre.


David, peux-tu te présenter et nous raconter ton parcours ?

Je m’appelle David Zavaglia et je suis né il y a une bonne quarantaine d’années près des Alpes.

J’ai un parcours assez original puisque normalement j’aurais dû faire une carrière de chercheur.

En effet, j’ai commencé par un BTS Biotechnologie à Lyon mais cela ne me suffisait pas donc j’ai repris la fac de zéro d’abord à Chambéry puis à Grenoble où j’ai obtenu un Doctorat de Biologie cellulaire et moléculaire… je dois avoir un Bac + 10 en biologie !

Mais j’ai toujours été fasciné par les médias, surtout par la Télévision, donc après ma thèse, comme les postes de chercheurs sont trop rares, j’ai décidé de m’orienter vers le journalisme scientifique.

Après mes études scientifiques, je suis donc reparti de zéro. En venant à Paris, j’ai débuté en 2004 comme stagiaire pour l’émission « C’est pas Sorcier ». Je me suis donc formé au journalisme avec Fred et Jamy !

Ensuite j’ai travaillé pour de nombreux  médias scientifiques – presse écrite ou émissions TV -, je suis devenu aussi réalisateur-cameraman, ainsi que chroniqueur, notamment pendant plusieurs années au Magazine de la santé sur France 5 avec Michel Cymes et Marina Carrère d’Encausse, où j’apparaissais régulièrement.

En parallèle, comme j’avais la passion du Japon, via les anime -j’ai grandi avec Albator, Dragon Ball, Hokuto no ken, Saint Seya, etc…-, j’allais dans tous les « events » japonais sur Paris, pour ma petite webTV « TV France Japon », ce qui m’a permis d’avoir de nombreux contacts dans ce milieu.

Il y a 10 ans tu publiais « Le livre noir du nucléaire », quelques mois après la catastrophe de Fukushima… Peux-tu nous en dire plus ?

Cet événement tragique a été le déclencheur de beaucoup de choses pour moi. A cette époque j’avais déjà effectué plusieurs voyages au Japon, mais en tant que touriste seulement. Quand cette catastrophe est survenue, j’étais journaliste au Magazine de la santé sur France 5, et étant passionné du Japon depuis mon enfance, je m’étais tout de suite proposé pour y réaliser un reportage.

J’ai dû beaucoup insister car à ce moment là, on ne connaissait pas le niveau de radiations et personne ne voulait m’y envoyer. Je m’y suis finalement rendu, d’abord sur les sites les plus touchés par le tsunami, dans le Tohoku, puis dans la préfecture de Fukushima. Les zones dévastées par le tsunami m’ont profondément marquées… difficile de décrire avec des mots cette impression de fin du monde que l’on ressent sur place.

Voir les images du tsunami en vidéo c’est une chose, mais se rendre sur ces lieux dévastés, c’était une autre échelle émotionnelle.

Je m’y suis donc rendu une première fois en reportage en 2011 puis régulièrement pour suivre la situation dans la préfecture de Fukushima, car le gouvernement japonais minimisait énormément l’impact des radiations dans la région ; j’ai pu notamment suivre le travail sur place d’ONG qui se préoccupaient de la santé des enfants de Fukushima. Et le fait de voir tous ces pauvres enfants passer des examens de santé m’a fait beaucoup réfléchir sur le nucléaire et les risques pour la population, d’où le livre que j’ai écrit à ce sujet.

Pour quelles raisons as-tu eu envie de t’installer au Japon ?

Malgré ces moments sombres qui m’ont amenés au Japon, j’en ai profité pour y faire des reportages sur d’autres thématiques plus plaisantes, comme les Sakura, l’automne japonais, la saveur Umami...
J’ai même pu développer ma propre émission « My Japan » sur la chaîne Gong, dans laquelle je rencontrais à chaque épisode un Japonais ou une Japonaise, spécialiste dans tel ou tel domaine.

Ce pays me fascine depuis tout petit, d’abord via les animés bien sûr, puis par d’autres aspects comme les arts martiaux (je suis ceinture noire de Judo et de Jujitsu japonais). Et à travers mes nombreux voyages au Japon, je me suis vite rendu compte que la seule manière de comprendre ce pays si énigmatique, c’était d’y habiter. On ne peut pas appréhender le Japon dans toute sa complexité en y allant seulement quelques semaines par an. Le Japon c’est tellement une autre « planète », et je reste persuadé que même en ayant lu des tonnes de livres, on ne peut vraiment le comprendre qu’en y vivant au quotidien.

Et puis tous ces voyages incessants m’ont aussi poussés à m’y installer… j’en avais marre de faire des allers-retours !

Les gens passionnés par le Japon te connaissent surtout grâce à tes reportages dans le Nyûsu Show sur la chaîne J-One… Que peux-tu nous dire sur cette période ?

Le Nyûsu Show, c’était beaucoup plus qu’une superbe opportunité télévisuelle, c’est aussi ce qui m’a permis d’habiter au Japon.
En effet, c’était un timing impeccable, puisque la chaîne J-One s’est lancée vers la fin de l’année 2013, et ils cherchaient un correspondant au Japon pile au moment où je souhaitais m’y installer. Et il ne faut pas oublier que le Japon est un pays très strict en matières de frontières, il est impossible d’aller y vivre sans avoir au préalable un visa. Donc grâce à J-One, j’ai pu avoir mon visa de journaliste au Japon !

© David Zavaglia

J’ai ensuite cherché un appartement, ce qui ne fut pas une chose facile : il m’a fallu attendre mars 2014 pour avoir mon propre logement !
En tout cas, toutes ces années à travailler pour le Nyûsu Show furent absolument géniales ! Le rythme était très intense ; au début j’étais juste journaliste-caméraman pour leur fournir des reportages mais ensuite je suis devenu reporter à l’antenne, et comme l’émission était quotidienne, je devais fournir jusqu’à cinq chroniques par semaine !

Mais le bon côté c’est que cette émission m’a permis de couvrir tous les évènements à Tokyo et aux alentours, que ce soit des events « otaku », culinaires ou culturels… en cumulant ces chroniques pour J-One et tous les autres reportages que j’ai pu faire pour d’autres médias, j’ai largement dépassé les 1000 reportages au Japon !

© David Zavaglia

Tu as aussi été le caméraman de l’émission « HardLooters » créée par Benzaie et Asenka/Guillaume Dorison diffusée sur Youtube et Game One… Comment s’est passé le tournage ?

Pour les deux premières saisons de HardLooters au Japon, j’ai été le caméraman mais aussi le fixeur pour les aider à obtenir les autorisations de tournage dans les boutiques…et parfois juge du défi des 1000 yens !

Je connais Asenka/Guillaume Dorison qui co-produit Hard Looters, depuis plusieurs années, car j’avais été le caméraman sur la dernière saison de l’émission « Japon Investigation » qu’il présentait et produisait sur J-One.

Quand ils ont lancé HL, il m’a logiquement demandé d’être à nouveau caméraman, et j’ai accepté tout de suite car ce nouveau format avait l’air bien fun !
Et c’est donc via Guillaume que j’ai rencontré Benzaie et Mr Quaraté et évidemment le courant est très bien passé car on a de nombreux centres d’intérêts en commun… et on s’est franchement bien marré pendant les tournages et surtout en dehors !

J’ai aussi pu rencontrer par ce biais Square Tunes Magician, le monteur et responsable des OST/musiques originales, avec qui je m’entends très bien aussi. C’est un excellent monteur et musicien dont je vous recommande d’ailleurs les remix d’opening d’anime entre autres…

La saison 3 devait se faire au Japon mais la pandémie étant passée par là, c’est en France qu’ils ont dû la tourner ; elle est en cours de montage en ce moment, pour une diffusion sous peu sur Game One d’abord, puis sur la chaîne Youtube de Benzaie dans un second temps.
Pour la saison suivante prévue au Japon, tout dépendra bien sûr du succès de la saison 3 et de la possibilité d’obtenir du budget car envoyer plusieurs personnes pour plusieurs semaines au Japon coûte très cher…

Te considères-tu comme un « Otaku » et quels sont tes mangas/anime préférés ?

Je suis un otaku bien sûr, sinon je n’aurais pas « switché » de la science à reporter pour J-One !
Mais attention : la signification de ce mot varie selon les pays. En France/Europe, les gens revendiquent volontiers le fait d’être otaku, car souvent ce sont tout simplement des gens qui aiment les manga/anime mais qui en dehors de cela ont une vie sociale « normale ».
Mais au Japon ce mot a plutôt une mauvaise image, l’image de l’otaku d’Akihabara un peu « nolife » ou Hikikomori (qui vit coupé du monde), donc je déconseille fortement de se vanter d’être un otaku au Japon !

Concernant mes animés/mangas préférés, il y a évidemment Albator/Captain Harlock, c’est cette œuvre qui m’a le plus marqué étant petit et qui m’a plongé dans le Japon.

Et j’ai eu l’immense plaisir et honneur de rencontrer son créateur Maître Matsumoto Leiji à trois reprises, et de l’interviewer… c’était vraiment un objectif pour moi.
Il y a Dragon Ball évidemment, mais aussi Dr Slump, je suis le plus grand fan d’Arale du monde (avec Mr Quaraté !).
Et puis Saint Seya, Hokuto no Ken, Cobra ainsi que City Hunter.

© David Zavaglia / Hokuto no Ken

Parmi les plus récents : Naruto Shippuden.
J’aime bien aussi Aggretsuko, c’est vraiment drôle surtout quand on connaît bien la société japonaise. Et parmi les mastodontes actuels, mon préféré reste One Piece, même si je regarde évidemment tout ce qui sort comme Boku no Hero Academia, Jujutsu kaisen, Kimetsu no yaiba, Shingeki no kyojin..

Qu’est-ce qui te plaît dans ta vie à Tokyo ?

Dans un premier temps, c’est le fait de pouvoir travailler dans un environnement que j’adore évidemment, tout cet univers d’anime/manga figurines…

Et la ville de Tokyo en elle-même est géniale, immense, et dans le même temps, à 1h30 de Shinkensen je peux faire du snowboard dans la poudreuse de la préfecture de Niigata. En une heure à peine de train « classique » on peut aussi se rendre à la plage… C’est quand même génial géographiquement parlant, surtout pour un savoyard comme moi qui a besoin de sa dose de montagne !

Il y a aussi le sentiment de sécurité au quotidien, pour moi c’est le point fort numéro 1 du Japon. La quasi absence de ces « incivilités » comme on peut rencontrer ailleurs, cela rend le quotidien tellement plus agréable. On ne passe pas son temps à faire attention à son sac, son portable… Cette tranquillité d’esprit n’a pas de prix.

Quel bilan fais-tu de toutes ces années de vie au Japon ? As-tu des regrets ?
?

J’ai une mentalité forgée par le skateboard (et le snowboard) depuis l’adolescence et par le fait que j’ai toujours été freelance, donc je ne fais que ce que j’aime faire, c’est pour cette raison que je n’ai aucun regret. J’aurais pu gagner bien plus d’argent avec d’autres choix de carrière, mais ma liberté est plus importante que tout ; cela fait très « personnage principal d’anime » sur ce point mais en même temps à quoi cela sert de regarder des tonnes d’animés si on ne s’inspire pas un peu des valeurs que véhiculent tous ces héros !
Donc j’ai bien kiffé toutes ces années ici, et en plus j’y ai même rencontré ma femme que j’ai épousé cette année, donc aucun regret.

© Guillaume Tauveron

Quel est ton activité aujourd’hui ?

J’ai dû beaucoup me diversifier à cause de cette satanée pandémie. Avant je travaillais surtout en tant que journaliste – reporter – caméraman pour différents médias, en couvrant toute sorte d’événements, mais depuis plus d’un an et demi il n’y a quasiment plus aucun évent. Cela a été très dur financièrement pendant de long mois…

Et comme quasi plus personne ne peut venir au Japon, j’ai décidé de devenir aussi personal shopper (service d’achats auprès de particuliers) en indépendant. En ce moment c’est l’activité que je pratique le plus. J’achète toute sorte de produits au Japon pour des clients en France ou en Europe. Et pas seulement des figurines ou des goodies otaku, cela peut être aussi des produits traditionnels ou de l’alimentaire. Donc à toutes les personnes intéressées : n’hésitez pas à me contacter si vous recherchez un produit particulier, cela est très facile de me joindre via les réseaux sociaux !

Justement, sur quel média es-tu le plus présent ?

J’ai une petite chaîne Youtube : OSSU ! L’autre Japon, sur laquelle je poste des vidéos de temps en temps, mais le média sur lequel je suis le plus actif en ce moment, c’est Twitch. Ma chaîne Twitch s’appelle Tokyo Exclusive, et je streame plusieurs fois par semaine, tous les week-ends notamment, pour emmener les spectateurs dans plein de jolis endroits à Tokyo et aux alentours, mais aussi dans de nombreux pop-up stores et de magasins comme les Jump Store, les magasins d’Akihabara…, et je fais aussi une émission chez moi de temps en temps : L’aperotaku, dans laquelle on teste toutes sortes de boissons et snacks bizarres du Japon. J’invite d’ailleurs toutes les personnes passionnées du Japon qui souhaitent passer un bon moment à suivre mes lives et à s’abonner à la chaîne !

Quels sont tes prochains projets ?

Je ne l’ai pas encore annoncé officiellement mais je vais le faire sous peu… Je vais participer à un super festival français online, le PAM : POP ASIA MATSURI organisé par ADN, Kana, Game One et J-One. Il s’agit d’un festival avec un concept novateur, une convention en 3D sur le net avec de nombreux stands, des animateurs, des jeux, une émission live pendant 48H qui aura lieu les 18 et 19 décembre.
Et il y aura bien sûr du contenu Japon dont je vais en partie m’occuper, nous allons faire des interviews de mangakas, mais je vais aussi faire des vidéos en reporter comme je faisais pour J-One, en vous emmenant notamment dans les plus belles illuminations de Noël à Tokyo, donc j’invite tout le monde à participer à ce festival qui bien sûr est gratuit !

Sinon, j’ai d’autres projets plus importants dans le tourisme, dont je ne peux pas parler en détails pour le moment, surtout qu’il y a encore trop d’incertitudes sur la réouverture des frontières. Mais sachez que Tokyo Exclusive, qui est le nom de ma chaîne Twitch, c’est aussi le nom d’un projet bien plus important dans le domaine du tourisme, que nous allons lancer dès que possible alors restez à l’écoute, cela va être original et très fun ! 

Dernière question : quels sont tes endroits préférés au Japon et plus particulièrement à Tokyo ?

Au Japon, en tant que savoyard, évidemment ce sont les montagnes ! Hokkaido c’est top d’y aller en hiver.

© David Zavaglia / Hokkaido

Je me rends régulièrement dans la vallée d’Hakuba située dans les Alpes japonaises, ainsi que dans les montagnes de la préfecture de Niigata, c’est là où je vais le plus souvent faire du snowboard car c’est relativement proche de Tokyo.

© David Zavaglia / Préfecture de Niigata

Et sinon, Okinawa c’est très sympa aussi, ainsi que Kyushu où l’on peut y découvrir des endroits très jolis avec des gens très accueillants.

A Tokyo : j’ai toujours habité dans l’arrondissement de Shinjuku, donc c’est un endroit qui me plaît beaucoup. J’habite à Waseda, j’adore ce coin, et Takadanobaba aussi où j’ai habité plus de sept ans, avec la mythique salle d’arcade Mikado. Et bien sûr avec mon métier, je suis souvent fourré à Akihabara que j’adore aussi, tout comme Nakano Broadway, une autre antre « otaku » !

Merci David pour cet échange passionnant ! A bientôt à Tokyo !

© Guillaume Tauveron

Vous pouvez retrouver David sur les réseaux sociaux :

Twitch : Tokyo Exclusive

YouTube : OSSU ! L’autre Japon

Twitter : https://mobile.twitter.com/davidzavaglia

Instagram : https://www.instagram.com/david_zavaglia/

Discord : Tokyo Exclusive

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