Kimi installée depuis six ans au Japon, se livre avec sincérité et passion sur son aventure japonisante parfois semée d’embûches, qui l’a emmenée de Tokyo au Kansai.
Kimi, peux-tu te présenter et nous raconter ton parcours ?
Je me fais appeler Kimi sur mon blog mais mon vrai prénom est Davina. J’ai 31 ans et je viens de Cherbourg en Basse-Normandie.
Concernant mon parcours scolaire, j’ai un bac scientifique et une licence professionnelle en procédés et technologies pharmaceutiques.
Après ma licence, j’ai travaillé en CDD comme technicienne de laboratoire dans l’entreprise où j’avais fait mon alternance à Évreux. En décembre 2010, mon contrat n’ayant pas été renouvelé, j’en ai profité pour effectuer mon premier voyage au Japon. Je me rappelle que j’étais partie d’Evreux sous la neige avec la crainte que mon avion ne décolle jamais !
Par la suite, je suis retournée vivre chez mes parents à Cherbourg et j’ai enchaîné les petites missions d’intérim dans des laboratoires jusqu’à trouver une nouvelle mission de six mois en région Parisienne. Je rêvais de vivre à Paris à l’époque donc je n’ai pas hésité !
Après cette mission, et quelques mois de chômage, j’ai finalement décroché un CDI en tant que technicienne de laboratoire du côté de Roissy-en-France dans le Val d’Oise. Au bout de trois ans et malgré une vie stable en région parisienne -CDI, bel appartement dans une ville tranquille, des amis, des sorties sympa à Paris…-, j’ai décidé de démissionner pour réaliser mon Visa Vacances Travail / PVT au Japon.
Passionnée par l’Asie et après avoir visité trois fois le Japon, je souhaitais expérimenter la vie japonaise.
Ce pays me donnait sans cesse l’envie d’y revenir, et même de m’y installer ! C’est un projet qui n’a jamais voulu quitter mon esprit…
Comment s’est passée ton installation au Japon ?
Je suis arrivée au Japon en 2015 et j’en ai profité pour voyager à travers le pays. Installée à Tokyo, je me suis rendue par exemple à Nagano, Osaka, Kyoto, Kobe, Fukui..
Au bout d’un an, j’ai souhaité poursuivre mon aventure au Japon. J’ai fait des baitos (petits boulots) pour pouvoir tenir financièrement et avoir un aperçu du travail sur place. Il y a eu des hauts et des bas. Mais j’avais vraiment envie de rester et le seul moyen était de trouver un travail à temps plein sponsorisant un visa travail.
Mes études en chimie et pharmacie ne m’étaient d’aucune utilité pour trouver un emploi au Japon dans ce domaine, mon niveau en japonais n’étant pas assez élevé à l’époque.
D’ailleurs, heureusement que j’avais trouvé un anglophone qui avait bien voulu m’aider dans mes démarches administratives. Il travaillait pour l’agence qui m’avait trouvé mon hébergement dans une sharehouse (maison partagée). Faire des démarches au Japon sans avoir un bon niveau en japonais, c’est compliqué… même si j’ai toujours eu l’habitude de me débrouiller toute seule.
Au final, j’ai trouvé un emploi de professeur de français dans une école à Tokyo où j’ai enseigné pendant trois ans.
J’ai ensuite quitté Tokyo pour m’installer dans le Kansai, dans une petite ville qui s’appelle Hirakata, située entre Osaka et Kyoto.
Pourquoi avoir quitté Tokyo pour le Kansai ?
J’ai fais un burn-out… Il y avait eu plusieurs changements dans cette école de français à Tokyo, et cela n’avait pas été très bénéfique pour moi.
C’est une école où l’on enseignait à des adultes, et on travaillait énormément avec très peu de jours de congés.
Quand j’ai fait le bilan de ces trois années, je me suis rendue compte que j’avais passé tout mon temps au travail.
L’enseignement du français n’était pas vraiment mon domaine à la base donc je m’étais beaucoup accrochée. Et même si c’est une expérience qui m’a plu, je n’ai pas pu voyager ni rentrer en France très souvent.
Au bout de trois ans, mon corps a lâché. Ce n’était pas non plus l’objectif que j’avais en m’installant au Japon. Je voulais continuer à découvrir le pays et pendant tout ce temps, je n’ai pas pu.
Du coup, n’ayant pas trouvé un autre travail sur Tokyo, j’ai finalement accepté un emploi dans le Kansai.
J’étais un peu réticente au début car je venais de déménager à Yokohama, capitale de la préfecture de Kanagawa, une ville que j’aime beaucoup.
Au final, je m’étais dit que c’était l’occasion de voir autre chose, de tourner la page et d’expérimenter une nouvelle vie.
Depuis deux ans, je suis donc professeur d’anglais dans une école maternelle et en parallèle, je travaille pour une petite académie d’anglais où j’enseigne à des élèves de primaire.
Comment est la vie ici, comparée à la vie Tokyoiite ?
Ce n’est clairement pas le même rythme. Il y a moins de monde et les gens sont moins stressés.
J’avais beaucoup aimé l’état d’esprit des gens ici quand j’étais venue visiter la région, et ce nouveau travail était l’occasion d’essayer un autre mode de vie.
As-tu des regrets d’être partie de Tokyo ?
Je n’ai jamais regretté. En 2019, j’étais dans une mauvaise passe, en pleine dépression. Je me suis d’ailleurs beaucoup retrouvé dans le portrait de Rill de Nagoya que tu as interviewée.
Ce poste, c’était une opportunité que je devais saisir ! C’était le moment de changer.
J’avais quand même pris quelques mois pour souffler entre les deux emplois. Cela m’a permis aussi de voyager et d’en profiter pour voir mes amis.
J’avoue avoir un peu douté de mes capacités à faire ce travail au début, mais j’ai finalement eu comme une révélation ! J’adore enseigner aux enfants, c’est très enrichissant tous les jours et nous avons vraiment créé un lien fort. Je suis heureuse de me rendre au travail chaque matin rien qu’en pensant au fait que je vais bien m’amuser avec eux !
As-tu plus de temps pour toi aujourd’hui ?
J’ai quand même un travail assez chargé et qui était à la base destiné à un japonais, avec beaucoup de tâches à effectuer.
Mais j’ai des horaires beaucoup plus souples que dans mon emploi précédent. J’ai toutes mes soirées, les week-ends, les jours fériés et quelques vacances.
Que fais-tu de ton temps libre ?
J’adore le karaoké au Japon ! Ce que j’aime ici, c’est que l’on peut réserver une salle et s’amuser entre amis.
J’aime beaucoup faire de la randonnée, me balader en pleine nature, prendre des photos…

J’aime aussi cuisiner, jouer au tennis, et étudier les langues étrangères, notamment le japonais mais aussi le coréen.
Comment as-tu appris à parler japonais ?
J’avais commencé par étudier le japonais en France par moi-même avec des livres, puis j’avais aussi pris des cours de japonais pendant six mois dans une école de langues située à Paris qui s’appelle AAA Paris (Association des amitiés asiatiques). Ces cours m’avait permis d’avoir de bonnes bases pour partir au Japon.
Puis, une fois installée à Tokyo, j’ai très souvent fréquenté l’école Human Academy à Shinjuku. Cette école est un bon plan pour les PVTistes qui ne veulent pas ou ne peuvent pas dépenser trop d’argent dans les écoles de japonais. En effet, ils ont un programme « Artificial Student » qui permet aux résidents de participer à des cours gratuitement, et même être payés pour ! Les professeurs sont encore en formation et dans l’attente de décrocher leur certificat. Les cours sont très bien préparés et bien encadrés par les formateurs. Je ne sais pas si ce programme est toujours d’actualité mais cela m’a beaucoup aidé à l’époque et j’y ai fait des rencontres sympa.
J’ai d’ailleurs écrit un article à ce sujet sur mon blog : https://kimi-no-blue-travel.fr/2017/02/06/%e2%96%ba-human-nature-artificial-japanese-student/
Quel est ton niveau de japonais aujourd’hui ?
J’ai beaucoup évolué car je suis la seule étrangère à mon travail, entourée que de collègues japonais qui ne parlent pas anglais !
Mon niveau doit être entre le N3 et le N2. Mais j’utilise surtout le japonais du quotidien.
En tant que Française, est-ce facile de travailler avec des Japonais ?
A travers mes différentes expériences de travail au Japon, j’ai pu remarqué que les Japonais font vraiment la séparation entre vie professionnelle et vie privée.
J’ai ressenti une réelle différence au niveau de la communication et de la façon d’agir.
Au travail, ils ne montrent pas leurs émotions, les problèmes doivent rester à la maison… et j’ai l’impression que les formules de politesse sont juste des automatismes sans aucune sincérité.
De mon côté, j’ai beaucoup de mal avec cela car je suis quelqu’un d’assez sensible et j’ai besoin de contacts humains…
As-tu rencontré des difficultés pour te faire des amis et un réseau ?
J’ai peu d’amis japonais. Les amies que je m’étais faites à l’école de français de Tokyo étaient assez ouvertes car elles avaient voyagé en France, mais pour la plupart, je n’arrive pas à garder le contact. Les Japonais peuvent passer des mois sans te contacter et te revoir comme si de rien n’était. Ce n’est pas ma vision de l’amitié…
Dans mon réseau, mes amis sont surtout Français, Indiens ou Vietnamiens. J’ai fais en sorte de rencontrer des gens, surtout quand j’ai déménagé dans le Kansai.
Avant la pandémie, j’assistais à des réunions « Meetup » avec par exemple, des rassemblements dans des cafés où l’on parlait en japonais et en anglais. J’ai pu à ce moment-là rencontrer quelques personnes.
Mais avec cette période de restrictions sanitaires, c’est difficile de voir les gens.
Justement, comment vis-tu cette période de pandémie ?
C’est l’éloignement familial qui est le plus dur à vivre pour moi. J’aime bien rentrer en France voir ma famille une fois par an, et cela fait maintenant deux ans que je ne suis pas rentrée !
Il y a eu des moments difficiles mais j’arrive quand même à relativiser. Au Japon, on n’a pas eu de confinement, on peut continuer à aller au travail, faire des sorties…
J’ai surtout privilégié les sorties en mode « nature » mais c’est vrai qu’entretenir une vie sociale, c’est un peu compliqué.
Heureusement que je suis d’une nature assez solitaire et que les week-ends, j’arrive à m’occuper et à trouver des activités.
As-tu déjà eu le mal du pays au point de vouloir rentrer définitivement en France ?
La seule chose qui pourrait me faire rentrer, c’est le manque de ma famille.
Je me suis très bien faite à la vie au Japon, je me sens bien ici.
Il y a beaucoup d’avantages à y vivre : la sécurité, la propreté, les choses pratiques…
Bien sûr, comme dans tous les pays, le Japon a ses mauvais côtés mais aujourd’hui, je ne me vois pas revenir en France.
Après mon burn-out et ma démission de mon poste à Tokyo, je disposais de trois mois pour retrouver un emploi sinon j’avais l’obligation de quitter le pays, le visa travail perdant sa validité si on quitte son emploi. Je m’étais faite une raison : j’étais prête à rentrer en France.
Mais même à ce moment-là, je n’avais aucun regret d’être partie vivre cette aventure. Le seul regret que j’aurai pu avoir, c’était de ne pas avoir tenté le PVT ! Il faut le faire quand on est jeune et quand on n’a pas d’enfant, sinon c’est plus compliqué…
Au final, cette expérience au Japon a changé ma vie, c’est comme une révélation sur le plan personnel et professionnel. Je me sens capable d’accomplir pleins de choses !
Es-tu fière de ton parcours ? Et quelles leçons en as-tu tiré ?
Oui, c’est une satisfaction d’en être arrivée là.
J’ai fais les efforts qu’il fallait et je pense avoir mérité ce que j’ai aujourd’hui.
Ce que l’on peut tirer de cette expérience, c’est qu’il faut se donner les moyens pour y arriver, il ne faut jamais baisser les bras.
Quels conseils donnerais-tu à des Français qui souhaiteraient s’installer au Japon ?
Quand on a moins de 30 ans et que l’on souhaite vivre au Japon, je conseille d’abord de profiter du PVT pour voyager une année au Japon et expérimenter la vie au quotidien. Car entre y voyager et y vivre réellement, il y a une grosse différence.
Même le comportement des Japonais est différent que l’on soit touriste ou résident.
Je pense qu’il ne faut pas trop idéaliser le pays et qu’il faut s’attendre à rencontrer des difficultés.
Je conseille aussi d’étudier un peu la langue japonaise avant de venir, d’avoir les bases, cela peut ouvrir quelques portes…
Quels sont tes projets pour les années à venir ?
J’ai dû mal à me projeter, je vis un peu au jour le jour… Mais j’aimerais bien continuer à voyager façon « road trip » à travers le Japon.
Il y a deux ans, j’ai fais mon premier road trip, j’ai loué un mini van et j’ai parcouru Hokkaido. Et cela m’a donné la passion du voyage en mode aventure et liberté… Mais ce n’est pas évident avec le travail.
J’ai quand même pu renouveler cette expérience en voyageant à Shikoku et aussi à Izumo, dans la préfecture de Shimane.

Niveau professionnel, j’aimerais bien m’orienter vers un autre domaine, me lancer en freelance. Je fais de la photo et j’écris beaucoup sur mon blog en ce moment où je raconte mes expériences et où je donne des conseils… On verra si un jour d’une façon ou d’une autre, cela me permet d’en vivre.
Peux-tu nous parler de ton blog qui s’appelle « Kimi no BLUE TRAVEL » ?
« Kimi no BLUE TRAVEL » signifie « le voyage bleu de Kimi ».
Je suis fan d’un groupe de K-Pop CNBLUE et ils ont intitulé un album photos de voyage « BLUE TRAVEL ».. C’est aussi un rappel à mon périple au Japon.
Au début, ce sont mes proches qui m’ont incité à écrire ce blog. Je racontais ma vie de façon assez simple. Quand je relis mes premiers articles aujourd’hui, je les trouve très mal écrits !
Puis j’ai commencé à donner des conseils que l’on ne trouvait pas forcément sur internet, sur les démarches administratives au Japon par exemple, ou sur la vie quotidienne : comment trouver un logement, aller chez le médecin.. De par mes expériences, je me suis dit que peut-être j’allais pouvoir aider les gens.
J’aime beaucoup la photo donc j’essaie aussi de partager de belles photos de mes voyages à travers le pays.

Avec mon travail, je manque de temps pour l’entretenir comme je le voudrais.
Je suis assez perfectionniste et j’aimerais avoir un blog plus agréable à lire, plus complet et qui donne envie aux gens de voyager au Japon.
Et dernière question : quels sont tes endroits préférés au Japon et plus particulièrement dans le Kansai ?
L’un de mes endroits préférés est le Mont Fuji ! J’ai fait plusieurs fois l’ascension car je suis passionnée par la nature et les volcans. J’ai aussi adoré la ville de Fujiyoshida, son sanctuaire Arakura Fujisengen et sa pagode Chureito où l’on a une très belle vue sur le Mont Fuji.

Dans le Kansai, j’aime beaucoup l’atmosphère de la ville portuaire Kobe. Ensuite Koyasan (Mont Koya) au sud-est d’Osaka, Hokkaido, l’île d’Awaji et l’île de Miyajima avec son Mont Misen.
Je ne me suis pas encore rendue du côté de Kyushu et Okinawa. Ce sont donc mes prochaines destinations… Et pourquoi pas faire un nouveau road trip dans la préfecture de Aomori !
Merci Kimi de t’être confiée sur ton aventure passionnante au Japon, à bientôt dans le Kansai !

Vous pouvez retrouver Kimi sur les réseaux sociaux et sur son blog :
Blog : https://kimi-no-blue-travel.fr
Galerie Flickr : https://www.flickr.com/photos/parasite-scene
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