La « vie de château » de Siméon, doctorant en robotique à Tokyo

Passionné par la robotique et la culture japonaise, Siméon est actuellement au Japon pour soutenir sa thèse, et a le souhait d’y rester quelques années après son doctorat. A travers cet entretien, il revient sur son parcours, sur ses projets ainsi que sur sa passion pour les châteaux japonais !

Siméon, peux-tu te présenter ?

Je m’appelle Siméon Capy, j’ai 29 ans et je viens de Rouffach une petite ville dans le Haut-Rhin, près de Colmar.

J’ai effectué des études supérieures de mécatronique à l’INSA (Institut national des sciences appliquées) de Strasbourg.

Afin de valider mon double diplôme en robotique effectué à Telecom Physique Strasbourg, je suis parti six mois en stage à Cardiff au Pays de Galles en 2015.

Ensuite, j’ai travaillé trois ans comme ingénieur informatique au Crédit Mutuel avant de commencer à faire ma thèse au Japon en septembre 2019.

Pourquoi avoir choisi de faire une thèse au Japon ?

Après mes études à l’INSA, je n’étais pas sûr de vouloir faire une thèse. Mais mon emploi dans l’informatique m’ennuyait. Travailler pour des assurances, ce n’est pas très passionnant et cela ne correspondait pas vraiment à ce que j’avais appris pendant mes études !

Cela m’a poussé à faire une thèse et dans le même temps, j’avais envie de visiter le Japon.

Ma passion pour le Japon est venue assez tardivement. C’est surtout la série Détective Conan qui m’a poussé à m’intéresser à la langue japonaise ! Il y a quelques années quand j’ai redécouvert sur Youtube cette série que je regardais adolescent, je me suis rendu compte qu’au delà du 200ème épisode environ, les épisodes n’étaient plus doublés en français et cela m’a donné envie d’apprendre le japonais pour pouvoir comprendre la suite des épisodes.

Je ne suis pas très bon en langues mais cela m’intéresse quand même !

Comment as-tu appris le japonais ?

J’ai commencé à apprendre le japonais par moi-même puis je me suis inscrit au système de parrainage d’Erasmus en 2016, qui donne la possibilité de parrainer des étudiants étrangers. J’ai eu quatre filleul(e)s japonais(es) que j’ai accompagné pendant leur séjour à Strasbourg, ce qui m’a permis de parler un peu japonais.

Au bout de quelques mois, l’une de mes filleules est devenue ma copine. Quand elle est repartie au Japon, je l’ai rejoint pendant les vacances. Elle m’a fait visité essentiellement le Kansai. Puis, je suis revenu en France mais avec la distance, notre relation n’a pas tenu et nous avons rompu.

J’ai ensuite pris des cours de japonais avec un professeur dans la librairie Le Camphrier à Strasbourg. C’était six euros de l’heure et j’y allais une fois par semaine. On était un petit groupe et j’ai pu apprendre la langue plus rapidement.

De quelle manière as-tu pu concrétiser ce projet de thèse au Japon ?

Le sujet général de ma thèse est la robotique, et c’est un domaine très réputé au Japon.

Et il se trouve que j’ai un ami qui avait fait son stage de fin d’études au Japon.  Il m’a donné les coordonnées de son maître de stage qui m’a aiguillé vers ma professeure actuelle avec qui j’ai monté ce projet de thèse.

Financièrement, vu que j’avais déjà eu un prêt étudiant pour mes études à l’INSA, je n’avais pas trop d’économies. J’ai donc essayé d’obtenir une bourse MEXT proposée par le gouvernement japonais ; l’une des meilleures du Japon qui accorde environ 1400 euros par mois, avec billet d’avion inclus ainsi que les frais de scolarité payés. C’est la bourse « royale » ! Mais je ne l’ai pas obtenu ; j’ai tenté de nouveau l’année d’après mais sans succès…

Le montage du dossier pour essayer d’obtenir cette bourse a été ma première expérience avec l’administration japonaise : le dossier que j’avais envoyé -deux fois- pesait 1,7 kgs, tous les documents devaient être transmis en six exemplaires avec uniquement des signatures manuscrites, et tous mes diplômes devaient être authentifiés par ma Mairie !

Finalement, j’ai pu mettre de l’argent de côté grâce à mon emploi au Crédit Mutuel. Et au bout de trois ans, après un entretien par Skype avec l’Université et ma future professeure qui ont validé mon inscription, j’ai enfin pu partir au Japon débuter ma thèse. J’ai pu être inscrit directement comme étudiant sans passer de test… je suppose que le fait d’avoir eu déjà mes diplômes en France leur suffisait.

Aujourd’hui, l’Université qui m’emploie me verse un salaire ce qui me permet de payer les frais liés au logement.

Et avec la crise du Covid-19, j’ai reçu trois fois 100 000 yens (environ 760 euros) par le gouvernement japonais, le ministère de l’Education et l’Université…

Peux-tu nous en dire plus sur ta thèse, et où se déroule-t-elle?

Ma thèse se déroule sur trois ans à l’Université d’Agriculture et de Technologie de Tokyo (TUAT) à Koganei, dans la banlieue de Tokyo.

Le thème de cette thèse est la robotique sociale. Elle porte essentiellement sur l’amélioration des interactions humain-robot.

Il faut faire en sorte que le robot comprenne ce que l’humain souhaite faire, et ensuite trouver la meilleure réaction naturelle.

On travaille par exemple, avec un robot qui réagit en fonction de l’humeur de la pièce et il doit mimer les mouvements de la personne qui est en face de lui.
C’est un robot très basique avec trois degrés de liberté et il mime la personne comme il peut.

Tu es dans un groupe de travail ?

Oui pour certains projets annexes, mais ma thèse est un projet personnel.

Je travaille dans un labo où je suis actuellement le seul élève étranger. Depuis la pandémie, tous les étrangers qui étaient en échange pour quelques mois sont repartis. De mon côté, j’ai un statut différent puisque je suis élève de l’Université.

Quand dois-tu présenter ta thèse ?

Si je suis diplômé en octobre 2022, je la présenterai sûrement quelques mois avant, en juillet peut-être.

Pour valider ma thèse, il faudra d’abord que je publie un article dans un journal et deux articles pour des conférences.

Pour le moment, j’ai un article de journal qui a été refusé, et on est entrain de faire les corrections pour le renvoyer.

Quel est ton niveau de japonais aujourd’hui ?

Mon niveau de japonais est basique, j’aimerais parler plus. Mais je parle surtout en anglais avec mes amis ou collègues japonais, car ils souhaitent de leur côté améliorer leur anglais.

As-tu réussi à te faire des amis depuis ton arrivée ?

J’ai plusieurs amis japonais dont mes collègues du labo ainsi qu’un ami qui vit à Osaka et que je ne vois pas beaucoup. J’ai aussi gardé contact avec mes filleuls que j’avais à Strasbourg.

Depuis l’état d’urgence, c’est un peu compliqué de les voir….

Justement, comment est Tokyo sous l’état d’urgence ?

C’est un peu ennuyeux car les restaurants ferment tôt, et comme on travaille assez tard dans mon labo, c’est compliqué d’y être avant 20h.

Et mon restaurant préféré Torikizoku, une chaine qui propose des yakitori, est fermé actuellement, et il me manque beaucoup ! Vu qu’ils ne peuvent plus servir d’alcool et qu’ils doivent fermer plus tôt, ils ont décidé d’une fermeture temporaire. Les clients Japonais allaient surtout à Torikizoku pour s’enivrer !

Je passe de moins en moins de temps à Tokyo, j’y allais surtout avec mes amis étrangers qui sont partis. Du coup, je reste plutôt dans ma ville à Koganei située à quarante minutes de Tokyo, et qui est surtout connue parce qu’elle abrite les studios Ghibli.

As-tu le temps d’avoir des loisirs ? Prends-tu des vacances ?

Oui, depuis plusieurs mois je vais dans une salle de sport, cela me surprend moi-même !

Ce qui m’oblige à parler un peu japonais avec l’équipe de la salle et me permet de progresser.

Il m’arrive aussi de prendre des vacances.

En avril de cette année, je suis parti cinq jours dans la région du Tohoku.
J’ai profité que la compagnie de transport de cette région, JR East propose un pass avantageux à tous les étrangers :

https://www.jreast.co.jp/multi/fr/pass/eastpass_t.html

Du coup pour 20 000 yens (environ 150 euros) au lieu de 65 000 yens (environ 500 euros), j’ai pu voyager pendant cinq jours en illimité dans le Tohoku, shinkansen y compris.

Le premier jour, j’ai voyagé avec un ami jusqu’à Sendai. Puis, j’ai continué mon voyage tout seul car cet ami étant Japonais, il ne pouvait pas profiter de ces prix avantageux.

J’en ai profité pour visiter plusieurs châteaux dans plusieurs villes de la région en plus de celui de Sendai : Shirakawa, Hachinohe, Hirosaki, Morioka, Akita et Yamagata

Le château d’Hirosaki

A ce propos, j’ai vu sur ton compte twitter que tu avais une passion pour les châteaux du Japon… Peux-tu nous en dire plus ?

Mon « livre de chevet » est le livre 日本100名城に行こう (en gros : les 100 châteaux les plus célèbres du Japon) édité par la Japan Castle Foundation.

Il décrit tous les châteaux du Japon et à la fin se trouve la partie tampons.

Les japonais aiment beaucoup les tampons ; on en trouve un peu partout, notamment dans les gares.

Les châteaux sont répartis sur tout le Japon, même s’il y en a plus dans le sud de Honshu.

Mon objectif est de visiter tous les châteaux du Japon et de faire tamponner ce livre à chaque visite d’un nouveau château ! Pour l’instant, j’ai une vingtaine de tampons.

Une fois que l’on a complété toute la partie des tampons, on peut envoyer le livre à la Fondation qui se chargera de mettre un tampon final pour valider et vous donner votre rang.

J’ai trouvé ce livre par hasard dans le petit bureau du tourisme de la minuscule gare de Takeda.

Logiquement, on devrait pouvoir le trouver dans tous les châteaux, sauf qu’il n’y était pas quand j’ai visité le château d’Osaka, du coup je n’ai pas le tampon souvenir !

Et quel est ton château préféré ?

C’est le château de Himeji !

Il domine la ville de Himeji, située dans la préfecture de Hyogo ; il est magnifique, tout blanc, avec un beau parc autour. Et il est encore en très bon état : c’est l’un des douze, châteaux dont le donjon en bois est encore existant.

Je crois qu’il y a quatre ou cinq châteaux au Japon qui sont d’origine dont celui-ci.

J’ai un collègue du labo qui vient d’Himeji et il dit qu’il ne peut pas aller dans les autres châteaux japonais, car pour lui celui d’Himeji est le plus beau !

Le château de Himeji

As-tu des regrets ?

Je n’ai aucun regret, je suis content d’avoir tenté l’aventure.

Ce n’était pas évident car au départ je comptais sur la bourse MEXT et par moment j’ai failli abandonner ce projet.

J’avais aussi envisagé de faire ma thèse en France mais finalement j’ai décidé d’aller au Japon sans bourse, avec juste l’argent que j’avais mis de côté, et en me disant qu’il fallait tenter le tout pour le tout. J’ai persévé et cela a payé !

Et aussi grâce à mon ami qui m’avait donné les bons contacts ici, j’ai pu finalement concrétiser mon projet.

Je suppose qu’à cause de la pandémie, tu n’as pas pu revenir en France voir ta famille depuis ton arrivée au Japon en 2019…

Non, je n’ai pas pu y retourner… c’est surtout pour ma mère que c’est dur.

J’ai voulu revenir pour Noël l’année dernière mais j’ai préféré ne pas tenter. J’ai eu peur de ne pas pouvoir revenir au Japon.

Le côté positif, c’est que cette situation me permets d’économiser pour un prochain voyage.

J’hésite à prendre un billet pour Noël de cette année… Air France propose l’annulation gratuite mais jusqu’au 31 décembre seulement, donc c’est à réfléchir.

Quels sont tes projets après ta thèse ?

Je ne sais pas si je voudrais rester au Japon toute ma vie, mais j’ai envie de rester plus longtemps. Trois ans, c’est court surtout avec la pandémie…

J’ai vraiment envie de montrer le Japon à mes amis Français. Avec la crise sanitaire, ils n’ont pas pu venir. C’est un peu frustrant.

J’aimerais trouver un emploi dans le domaine de la robotique mais plus particulièrement dans l’automatisation des transports.

Toyota est entrain de construire une « ville du Futur » près du Mont Fuji et c’est un projet qui pourrait m’intéresser par exemple.

Dernière question : quels sont tes endroits préférés au Japon ?

A part les lieux où il y a les châteaux,… j’aime beaucoup me balader dans Tokyo avec tous ses quartiers différents ainsi que Kyoto, ses temples et ses vieilles ruelles.

J’ai aussi beaucoup aimé Amanohashidate au nord de la préfecture de Kyoto, la vue sur la baie avec le banc de sable est vraiment magnifique. Et pas très loin, la ville thermale de Kinosaki-onsen.

Sinon, j’aimerais retourner à Hirosaki pendant la période des cerisiers, pour voir les tunnels de fleurs de Sakura

Vue sur le village de Shirakawa-go

Enfin, le village historique de Shirakawa-go dans la préfecture de Gifu, en hiver, c’était beau à voir.

Mais j’ai encore pleins d’endroits à découvrir !

Merci Siméon pour ton témoignage, je te souhaite bon courage pour ta thèse ! A bientôt à Tokyo !

Vous pouvez retrouver Siméon sur les réseaux sociaux :

Instagram : https://www.instagram.com/papykpy/

Twitter : https://twitter.com/simeonkpy

Blog : https://blog.scapy.fr/fr/

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